Thiers, Saint-Etienne, Gap, Bucarest : depuis le 27 avril, la chaire d’Économie sociale et solidaire de l’Université Gustave Eiffel et son responsable, Hervé Defalvard, ont entamé un « tour de France et d’ailleurs des territoires solidaires en commun ». Les dernières étapes doivent avoir lieu le 13 juillet à Bologne, le 27 août à Nouvialle (15), le 22 septembre à Marne-la-Vallée puis enfin le 10 octobre dans les Hauts-de-France. La fabrique artistique et culturel Pola, le Territoire zéro chômeur de longue durée de Thiers, la société coopérative d'intérêt collectif (Scic) Échanges Paysans, la coopérative agricole Varsati, la narse de Nouvialle… « À chacune des neuf étapes correspond une expérimentation locale à la croisée de l’ESS et des communs qui ont été le point de départ et le support des réflexions menées dans mon ouvrage » précise Hervé Defalvard. Publié en avril 2023, ce 8e livre de l’économiste s’intéresse aux conditions d’émergence des communs comme alternative au capitalisme néolibéral. « Ce tour de France et d’ailleurs est d’abord l’occasion de présenter le livre et de rencontrer des porteurs de communs – sans nécessairement en avoir cette perception - de tous les champs de la vie économique et sociale : alimentation, énergie, habitat, santé, culture… Dans un 2e temps nous organisons des ateliers pour imaginer comment aller plus loin dans cette perspective de société du commun. »

L’ESS et les communs : une autre façon de concevoir l’économie et la société

Première chaire consacrée à l’économie sociale et solidaire de France, la chaire de l’Université Gustave Eiffel s’est intéressée dès le milieu des années 2010 aux communs : « Des communautés qui produisent ou mettent en commun une ressource pour en assurer un accès et un usage durable. Il s’agit d’un système de gestion des ressources qui se distingue du marché et de l’État, explique Hervé Defalvard. Les communs ont représenté un tournant pour l’ESS. Cette notion lui a apporté un cadre théorique mais elle a aussi permis de créer une unité parmi la multiplicité de structures de l’ESS : associations, mutuelles, coopératives, fondations… »

Dans le sillage d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009 pour ses travaux sur la gouvernance des biens communs, la chaire a ainsi conduit un programme de recherche et de formation sur les communs. Celui-ci s’est notamment traduit par deux thèses – celle de Benedetta Celati et de Geneviève Fontaine, l’organisation d’un colloque international en 2019 à Cerisy, et l’implication des étudiants de la licence professionnelle GOESS (Gestion des Organisations de l'Economie Sociale et Solidaire) et du Master ESS dans des projets de communs expérimentaux sur le territoire de Paris-Vallée de la Marne : archipel nourricier, réseau de circuit court, éco-lieux, ressourceries, tiers-lieux, application de co-voiturage…

« Nous sommes dans une époque où les perspectives, pistes et imaginaires s’élargissent »

Nouvel objectif de la chaire : développer les communs sur les territoires 

Sur son territoire, la chaire est également membre fondateur du Pôle territorial de coopération économique (PTCE) de Paris Vallée de la Marne et soutient la création d’une malterie en commun réunissant producteurs d’orge, malteur et brasseurs. Ailleurs, dans le cadre de thèses Cifre, la chaire porte des études sur le développement de lieux culturels en commun avec la mairie de Bordeaux et sur l’expérimentation territoire zéro chômeur avec la mairie de Thiers.

Ces actions s’inscrivent dans une nouvelle dynamique pour la chaire : « Nous sommes dans un nouveau tournant, une nouvelle inflexion de notre programme vers de la R&D territoriale » confirme Hervé Defalvard. Objectif : mobiliser la recherche pour produire du développement territorial selon une logique de commun. « C’est assez passionnant, le tour de France confirme que nous sommes dans une époque où les perspectives, pistes et imaginaires s’élargissent. La prise de conscience de nos dysfonctionnements et de leurs conséquences écologiques a ouvert des possibles qui n’existaient pas il y a 10 ans. »

La société du commun – Pour une écologie politique et culturelle des territoires

Analyser les conditions d’affirmation des communs comme ferments d’une nouvelle société. Tel est l’objet de l’ouvrage d’Hervé Defalvard. Selon l’économiste, pour voir émerger une société du commun, les communs doivent développer une dimension translocale - faire à l’échelle locale tout en s’intégrant à un réseau relationnel qui la dépasse - et devenir intégraux, c’est-à-dire s’étendre à tous les domaines de la vie sociale. L’enjeu pour y parvenir selon l’auteur : rassembler les acteurs du territoire (citoyens, associations, collectivités locales, entreprises) dans une stratégie d’encerclement à même d’entraîner État et grandes entreprises dans des coopérations porteuses d’un changement de modèle.

Plus d'infos

• Présentation de l’ouvrage La société du commun – Pour une écologie politique et culturelle des territoires sur Reflexscience

https://reflexscience.univ-gustave-eiffel.fr/lire/ouvrages/la-societe-du-commun

• Site de la chaire d’Économie sociale et solidaire de l’Université Gustave Eiffel

https://chaire-ess.univ-gustave-eiffel.fr/