Le projet PIONEERS est arrivé au terme d'un parcours de trois ans de recherches, comment a commencé ce voyage ?
Dans une discussion entre pairs, spécialistes des normes d'évaluation en sécurité pour les 2RM (deux roues motorisés). Au sein de ces groupes normatifs, qui identifient et définissent les normes, nous avons constaté différentes lacunes. Certains EPI (équipements de protection individuelle) manquaient de critères d'évaluation, certaines normes nécessitaient d'être améliorées et d'autres devaient être créées. Depuis quelques années, des technologies ont fait leur apparition et nous devons établir des méthodologies pour les tester ainsi que des normes solides pour pouvoir certifier de leur efficacité. En 2018, nous nous sommes regroupés dans un consortium avec 15 autres partenaires, des universités et des fabricants (Alpinestars, Bosch, Ducati, Piaggio, Dainese...). Les laboratoires LMA et LBA de l'université sont intervenus dans quatre des huit groupes de travail et j'ai eu la responsabilité du groupe n°6 sur les bénéfices sociétaux et économiques des équipements testés dans PIONEERS.
"Un accident est un système à trois composantes : l'homme, le véhicule et l'environnement."
Comment atteindre l'objectif européen de réduire de 25 % le nombre de morts en 2RM d'ici 2025 ?
Avec de nombreux programmes de recherche. C'est sûr, PIONEERS va participer à réduire la mortalité des accidents de 2RM mais ce beau projet ne répond qu'à une partie de la question. Un accident est un système à trois composantes : l'homme, le véhicule et leur environnement, c'est-à-dire la signalisation, les infrastructures mais aussi les politiques publiques. L'accidentologie est un domaine d'une grande multidisciplinarité et c'est bien ce qui m'y a attiré au sortir de mes études d'ingénieur. C'est très stimulant pour moi, spécialiste de la dynamique des véhicules, de travailler en équipe pour décortiquer des problèmes avec des psychologues ou des urbanistes.
Le constat est que, depuis quelques années, on voit l'accidentologie diminuer sur les véhicules à quatre roues quand celle des 2RM stagne. Ce qui, dans une vision d'ensemble, fait augmenter le pourcentage des accidents en 2RM. De fait, ces accidents sont aussi plus graves : il y a 20 à 30 fois plus de risques de mourir dans un accident en 2RM. Pour réduire ces risques, le programme PIONEERS observe la sécurité dite passive : la protection de l'usager. Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire avec précision quels gains économiques et sociétaux va apporter un nouvel équipement comme le gilet airbag sur lequel j'ai travaillé. Cela dépend de la vitesse, en l'occurrence, à partir d'un choc à 40 km/h, un choc d'une très grande énergie d'impact, ces gilets peuvent réellement changer la donne.
Gilets airbag, bottes antitorsion : quels sont les nouveaux équipements à disposition de l'usager des 2RM ?
Pour les EPI, les groupes de travail se sont intéressés à l’amélioration des normes pour des gilets airbags à déclenchement filaire ou déclenchement électronique et pour des pantalons avec de meilleure protection du bassin et des parties génitales. Nous avons aussi évalué les impacts sur les casques et notamment les chocs rotationels, qui n'étaient pas testés avant PIONEERS, et développé de nouveaux tests d'abrasion pour les blousons. Mais ces nouveaux équipements concernent aussi le véhicule, comme les dispositifs de freinage pré-crash et des systèmes d'airbag embarqués que nous avons aussi étudiés. Ces nombreux résultats de recherches ont été possible grâce à l'alliance des capacités techniques des industriels et des connaissances des nombreux laboratoires engagés dans le projet. Les données accidentologiques du LMA ont été précieuses pour comprendre les facteurs responsables des blessures les plus graves.
Après trois ans de travaux, quelles sont les suites données au projet PIONEERS ?
Nous avons des thèses en cours au sein du laboratoire sur ces nouvelles technologies pour la sécurité passive des usagers des 2RM mais le travail doit se poursuivre dans d'autres directions, notamment sur les nouvelles mobilités : monoroues, vélos électriques, trottinettes... Une vingtaine d'engins sont en cours d'instrumentation au LMA et nous allons lancer une grande campagne pour recueillir des données. Il y a déjà une forte accidentologie sur ces nouveaux moyens de transport.
Et vous ? Circulez-vous à moto ?
Non, c'est beaucoup trop dangereux.
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