image

Rencontre avec

Sébastien Mustière : « Favoriser le développement de l’intelligence collective »

Enseignant-chercheur à l’ENSG, Sébastien Mustière développe depuis plus de vingt ans des ponts entre l’intelligence artificielle et la cartographie. Également engagé dans la mission DD&RS (développement durable et responsabilité sociétale), l'homme fait rimer idéalisme et action. Entretien.


Quels sont vos principaux thèmes de recherche ?

J’ai réalisé une thèse en intelligence artificielle sur l’apprentissage automatique, devenu très à la mode aujourd’hui, mais qui ne l’était pas encore à l’époque, en 2001. Mes travaux consistaient à développer l’apprentissage supervisé pour la généralisation cartographique, en essayant d’automatiser le changement d’échelle des cartes, qui était, jusqu’alors, un processus essentiellement manuel. Avec l’IGN, nous avons été pionniers sur ces questions-là. Je suis resté ensuite dans le domaine de la géomatique.
Qu’est-ce que la géomatique ?
C’est une contraction de « géographie » et « informatique ». Concrètement, et en simplifiant, la géomatique étudie la collecte et l’usage des données géolocalisées, une discipline à la croisée de nombreux domaines. Ce que nous développons sert ensuite d’outils à des domaines d’applications très variés : sport, écologie, urbanisme…C’est ce qui rend mon travail de chercheur passionnant.

Avez-vous un exemple d’application concrète de la géomatique ?

Je participe, entres autres, au programme CHOUCAS, coordonné par le LASTIG, qui a pour objectif d’améliorer la localisation des victimes en montagne. Je travaille à combiner des données hétérogènes de localisation : celles de la base de données institutionnelle de l’IGN, issues de photos aériennes et de levés terrain, et des descriptifs de randonnées partagés sur le web par tout un chacun. Concrètement, si des randonneurs indiquent dans leurs récits la présence d’une grange ou d’un rocher absent des bases, nous pouvons les y ajouter en déduisant leur localisation de l’analyse des textes descriptifs qui les mentionnent et des traces GPS associées. Cela permet un quadrillage du terrain plus exhaustif. C’est particulièrement décisif dans des lieux difficiles d’accès comme la haute montagne. C’est la raison pour laquelle le PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) nous a contacté. Nous travaillons à leur fournir des moyens inédits de localisation de victimes qui se trouveraient dans l’impossibilité de communiquer leurs coordonnées GPS. Dans ces cas-là chaque minute compte. Plus les gendarmes sont prompts à localiser la position de la victime, plus ils augmentent leurs chances de la sauver.

Vous êtes également engagé dans la transition écologique, notamment au sein de la mission DD&RS de l'Université, quelles sont vos actions concrètes ?

Cela faisait des années que j’étais interpelé par la question de la transition écologique. Alors quand la direction, poussée par la mission DD&RS de l’Université, a dit qu’elle cherchait un référent DD&RS, ma candidature est apparue comme une évidence. Je me réjouis de voir une prise de conscience grandissante sur ces questions-là, que ce soit de la part des instances publiques, du corps professoral mais également, et d’une façon tout à fait inédite, de la part des étudiants qui manifestent un intérêt important sur ces sujets-là.
Dans le cadre de ma mission je sensibilise notamment à la cause écologique via la Fresque du climat avec quelques collègues. Ce projet conçu par Cédric Ringenbach a pour objectif de vulgariser les mécanismes du dérèglement climatique et constats alarmants du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) par le biais d’ateliers pédagogiques. Il n’est pas question de faire des cours magistraux mais plutôt de favoriser le développement de l’intelligence collective. Par le biais de cartes à jouer détaillant différentes problématiques, les participants sont invités à retrouver les causes et les conséquences des phénomènes. Les résultats sont stupéfiants. L’intérêt de ces cartes, c’est qu’elles se lisent à plusieurs niveaux, pouvant toucher et informer aussi bien des enfants que des personnes avec un important bagage scientifique.

"Les sciences humaines sont un complément nécessaire aux enseignements techniques pour éviter un développement technique aveugle"

Le développement technologique et la conscience écologique sont-ils compatibles ?

C’est une question complexe à laquelle je n’ai pas de réponse claire. Il y a des « frottements » souvent délicats entre le développement technologique et l’écologie. Les améliorations techniques optimisent la consommation énergétique de certains services, mais l’effet rebond n’est jamais loin et le suréquipement technologique a un coût écologique considérable. S'il y a une chose dont je suis persuadé dans mon métier d’enseignant dans une école d’ingénieurs, c’est que les sciences humaines sont un complément nécessaire aux enseignements techniques pour éviter un développement technique aveugle.
À ce titre la crise de la Covid a révélé que nous étions capables de déployer collectivement une énergie considérable quand nous sommes face au mur, mais il ne faudrait pas que cette énergie serve simplement à maintenir le « business as usual ». Il faudrait pouvoir la diriger vers des solutions évitant les catastrophes. C’est ce que je tente de faire à mon humble niveau.


Portrait chinois

Si vous étiez un logiciel informatique ?
La corbeille

Si vous étiez un territoire ?
Un parc naturel régional

Si vous étiez une unité de mesure ?
L’Ohm
    
Si vous étiez un élément ?
La terre (l’humus)

Si vous étiez un principe écologique ?
La permaculture

 

Toute l'actu

Toute l'actu

Toute l'actu

Toute l'actu

Toute l'actu